Chapitre 2 : Ce que nous faisons

Exploration des dépendances et des pressions des activités économiques sur les écosystèmes naturels. Enjeux de mutations économiques.


Ce que nous faisons

Notre économie est diverse et génératrice d’emplois. La région des Pays de la Loire dispose de vastes terres agricoles, socle d’une puissante industrie agroalimentaire. L’industrie de notre territoire est robuste et variée : construction navale, aéronautique, textile, … La construction est alimentée par une dynamique démographique constante. Le tourisme, la créativité et la culture sont, eux aussi, pourvoyeurs de valeur ajoutée et d’emploi.

Chez nous, comme ailleurs, cette économie est – profondément – matérielle. Chaque année, l’humanité extrait au moins 90 Gigatonnes de matériaux de la nature. La biomasse – bois, fruits et légumes, poisson – les minéraux métalliques ou non… et bien entendu les ressources fossiles : gaz, pétrole, charbon. Dans la région des Pays de la Loire, chaque personne consomme annuellement 17,5 tonnes de matière en moyenne : t-shirts, parpaings, litres d’essence, acier… C’est plus que la moyenne française, notamment pour la construction et l’alimentation.

Notre économie, ici comme ailleurs, dépend donc massivement de la nature. Et en retour, nos activités impactent cette dernière : déchets, émissions de gaz à effet de serre, artificialisation des sols, destruction de la biodiversité… Malheureusement, cette empreinte écologique constituée de nos prélèvements et de nos pressions, excède la capacité de nos écosystèmes à se régénérer. Au rythme actuel, tout ce qu’il reste de terres arables pourrait bien se transformer en lotissements. Notre région, comme d’autres, se heurte à ses limites écologiques.

Au total, l’économie des Pays de la Loire prospère et sert les besoins humains de ses habitants. Mais elle doit se transformer pour réduire sa consommation de ressources et mettre le vivant au cœur de son logiciel. Elle dispose pour cela de deux atouts : une prise de conscience croissante des acteurs économiques, et un capital matériel et immatériel à mobiliser pour transformer.


Une prise de conscience des entreprises réelle mais limitée à la question du climat

RSE, décarbonation, transition énergétique… La région des Pays de la Loire foisonne d’échanges, de réflexion, d’initiatives économiques.
Cela étant posé, comment factualiser l’état de conscience des entreprises et territoires ? Combien de collaboratrices et collaborateurs formés aux enjeux du cli- mat et de la biodiversité ? Quelle proportion d’entreprises dotées d’un diagnostic et d’un suivi de leur empreinte carbone ? Quelle part de l’économie régionale inscrite dans une trajectoire bas carbone, appuyée sur des référentiels reconnus – tels que SBTi ou NZI – et calés sur l’Accord de Paris sur le climat ? Combien de projets entrepreneuriaux intégrant la réduction – voire la neutralisation – de leur empreinte écologique dans un business plan ? Au fond, nous n’en savons rien. Plein de bonne volonté, nous pilotons à vue.
Avec l’aide des partenaires du projet Regenerate, nous avons diffusé un auto-diagnostic afin de prendre le pouls de l’économie régionale. Ni sondage, ni étude scientifique, ce travail – qui mérite d’être systématisé et approfondi – donne quelques indications.

Les entreprises répondantes priorisent le court terme : recrutement et prix de l’énergie. Ce dernier point impacte directement les comptes d’exploitation et incitent à l’action : sobriété, projets d’achats groupés, voire production mutualisée d’électricité renouvelable. Dans ce tableau, le long terme se fait néanmoins une place : la décarbonation de l’activité figure parmi les enjeux identifiés comme stratégiques.
58% des entreprises répondantes ont conscience des enjeux écologiques. 42% d’entre elles mesurent au moins un de leurs impacts. Un tiers ont réalisé un diagnostic carbone, un premier pas, même si la totalité des acteurs économiques ont vocation à réduire, donc à connaître leur empreinte. Le plus préoccupant tient au fait que le monde économique développe une connaissance mono-thématique – autour du climat et de l’énergie – et non systémique. Ainsi, les enjeux d’artificialisation, de biodiversité et de ressources naturelles sont très peu ou mal connus.

Côté formation, 27% des entreprises s’appuient sur leurs réseaux, ainsi propulsés en acteurs-clés : Dirigeants Responsables, Ruptur, CEC, Novabuild, etc. Seulement 17% des entreprises recourent à des formations dédiées. Un plan massif de formation apparaît souhaitable. Au-delà de la question du CO2, c’est l’intégration au cœur de la décision économique, de la connaissance sur le fonctionnement des écosystèmes – dont nous dépendons et que nous impactons – qui changera la donne. Les entreprises qui l’ont compris n’en seront que plus attractives pour les talents.

Les entreprises des Pays de la Loire et la transition écologique.

L’économie régionale est diversifiée. L’ensemble des grands secteurs d’activités y sont représentés.

La région accueille quelques-uns des poids lourds de l’industrie française, qui peuvent s’appuyer sur un tissu dense d’établissements de taille intermédiaires et PME. La présence de ces activités sur le territoire assure le dynamisme économique de la région et soutient l’emploi. Cependant, notre économie exerce de puissantes pressions sur les écosystèmes, avec des territoires particulièrement exposés, à commencer par le littoral atlantique et la métropole nantaise. Elle dépend également – fortement – de l’utilisation de ressources, utilisées comme matières premières, mais relativement peu disponibles sur le territoire régional.

Une terre d’industries, une conscience en devenir

Première région française pour la part de l’emploi industriel, les Pays de la Loire présente des activités diversifiées : agroalimentaire, métallurgie, aéronautique, fabrication de matières plastiques et caoutchouc, meubles. Nantes et sa région se singularisent avec l’aéronautique, la maintenance et la navale ; la Vendée avec l’agroalimentaire, la construction et le bâtiment; la Mayenne avec l’agroalimentaire et l’automobile et le Maine-et-Loire avec l’agroalimentaire, la plasturgie et le caoutchouc.

« L’industrie se perçoit comme une source de pollutions, mais aussi comme une solution » souligne Hervé Thomas, Délégué Général de l’UIMM Loire-Atlantique. « Elle peut permettre de réaliser des gains énergétiques et les solutions techniques, même si elles ne sont pas la panacée, font partie du panel de solutions à envisager ». Les acteurs industriels ont conscience qu’ils dépendent de chaînes d’approvisionnement mondialisées, donc fragiles. La pénurie mondiale de puces électroniques survenue en 2021 et causée par la sécheresse qui a frappé Taïwan est un exemple révélateur des liens qu’entretient l’industrie régionale vis à vis de pays détenteurs de ressources stratégiques, dont la production est elle-même très gourmande en eau et en énergie.

Activités économiques et services écosystémiques : un lien mal compris
La biodiversité est le socle des services écosystémiques, dont dépendent – directement ou indirectement – les activités des entreprises et l’emploi. Ces activités exercent en retour des pressions sur les écosystèmes. Fortement dégradés, ces derniers voient chuter leur capacité à générer les services écosystémiques. La compréhension de ces phénomènes par les acteurs économiques est le préalable à une prospérité repensée dans les limites planétaires.

Sols et résilience alimentaire : les défis de l’agriculture

Deuxième région pour la part de la surface agricole dans la superficie totale, derrière la Normandie, la Région Pays de la Loire est un territoire marqué par la présence de l’agriculture du fait d’un relief peu accidenté et de la faible proportion de surface boisée. À noter tout de même que la région a perdu 110 000 hectares de surface agricole en l’espace de 20 ans.

Les activités agricoles sont diversifiées. L’élevage pèse fortement, avec plus de 58% des exploitations spécialisées en production animale. Cette dernière décennie a toutefois vu les grandes cultures gagner du terrain. La région n’est pas épargnée par le vieillissement de la population agricole – un exploitant sur deux a plus de 50 ans – et par la diminution du nombre de fermes : -1,9 % par an depuis 2010. Ces phénomènes, liés, engendrent une plus grande concentration des terres. La taille moyenne des exploitations est passée de 20 à 80 hectares en un demi-siècle.

Côté pratiques agricoles, la région enregistre une nette progression des surfaces cultivées en bio : +50% entre 2017 et 2021, ce qui la place au quatrième rang des régions françaises pour les surfaces biologiques ou en conversion.

Le sol, relégué au second plan du métier

La recherche de gains de productivité a profondément modifié les pratiques des agriculteurs et agricultrices. D’après Ariane Chabert et Jean-Pierre Sarthou, ce qui a façonné l’agriculture moderne c’est également l’idée que les éléments nécessaires à la croissance des plantes peuvent être apportés par des engrais chimiques. Le rôle du sol et sa qualité intrinsèque ont ainsi été relégués au second plan. Cette rupture a eu pour effet d’augmenter la dépendance de l’agriculture aux intrants industriels chimiques. Le recul des paysages bocagers – haies et arbres – témoigne de cet affaiblissement du lien entre les agriculteurs et la terre qu’ils cultivent. Cette dernière est régulièrement réduite à ses seules fonctions productives. Or, par nature et de par la surface qu’elle occupe sur le territoire, la terre agricole constitue un réservoir potentiel de vie, tout en soutenant les rendements, comme le démontrent les systèmes inspirés de l’agroécologie. À ce titre, l’agriculture et le prix de la terre peuvent constituer des leviers stratégiques de la restauration de la biodiversité et de la santé des écosystèmes, comme le souligne une étude de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

Le prix de la sécurité alimentaire

Quel est l’impact du changement climatique sur la capacité de l’agriculture à nous nourrir ? Dans sa publication Agriculture et climat : l’urgence de s’adapter, Carbone 4 décrit le fort degré d’exposition de l’agriculture, et du système agroalimentaire, aux aléas climatiques : « vagues de chaleur de plus en plus intenses et fréquentes, modification des régimes de précipitations menant à une alternance de sécheresses et d’inondations, épisodes de gel tardif « .
Outre notre capacité à décarboner nos activités, se pose la double question de l’accès à l’alimentation pour toutes et tous et, lié à celle-ci, de la résilience de notre système alimentaire régional face aux changements climatiques – pour les productions locales – et face aux risques d’approvisionnement – pour celles plus lointaines. Ces derniers risques semblent contenus à ce stade. Ils ne se sont pas traduits par des pénuries, même si la récente hausse des prix alimentaires a placé de nombreuses personnes en difficulté. En Maine-et-Loire, la distribution de repas par l’association Les Restos du Coeur a ainsi augmenté de 23% en un an.
L’outil agricole local est-il bien dimensionné ? Les débouchés des entreprises agricoles et alimentaires de la région dépassent les besoins régionaux. À titre d’exemple, le taux d’approvisionnement local en lait de vache atteint 320%. Le seul ciblage de l’autonomie alimentaire de la région constituerait un manque à gagner pour un certain nombre d’exploitations et industriels de la filière. Difficile, dans ses conditions, d’attendre du seul monde agricole, qu’il mène une transformation d’ampleur alors même que la profession attire moins et peine à rémunérer décemment celles et ceux qui la pratique.


Poids lourds et dépendances

Pas d’alimentation sans industrie agro-alimentaire. 50% de ce qui compose l’assiette française est issu d’un procédé de transformation industrielle. Les entreprises du secteur foisonnent en Pays de la Loire, dont de nombreux groupes Fleury Michon, Sodebo, Pasquier, Bridor, Charal et LCD. La filière pèse 5,1% de l’emploi salarié régional et génère environ 13 milliards d’euros de chiffres d’affaires annuel. 10% de celui-ci est réalisé à l’export, soit une contribution à hauteur de 16% des exportations ligériennes, toutes filières confondues.

De quoi dépend l’industrie agro-alimentaire ?

  • de l’eau, pour le lavage et le traitement industriel des matières premières ou pour le nettoyage des équipements de production.
  • du plastique, pour les emballages. 60 à 70% des emballages plastiques sont destinés à la seule filière alimentaire. La moitié de ce total est constituée d’emballages ménagers, l’autre d’emballages industriels ou destinés à la restauration hors domicile. On connaît les fonctions des emballages : protection du produit, des consommateurs, aide au transport et à la distribution, support d’informations consommateurs. Les industries agroalimentaires sont également gourmandes en carton et verre.
  • d’énergie : procédés industriels, et carburants pour la distribution des produits.
  • de biomasse agricole, destinée à l’alimentation animale ou à la consommation humaine : agriculture, pêche, chasse.

Une région dépendante des énergies fossiles

65% de l’énergie consommée en Pays de la Loire est d’origine fossile. Les activités économiques de notre territoire demeurent fortement émettrices de gaz à effet de serre. Symboles de cette dépendance : Donges pour sa raffinerie, Montoir-de-Bretagne, pour son terminal méthanier et Cordemais, pour sa centrale thermique. Le devenir de ces infrastructures emblématiques de l’estuaire de la Loire est questionné par l’adoption de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Celle-ci pose pour la France l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’un facteur au moins égal à 695. Un jalon intermédiaire est également posé : la diminution des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 40% en 2030, objectif de réduction qui reste à ce stade en deçà de celui poser par l’Union Européenne suite à l’adoption du paquet Climat « Fit for 55 » qui vise une réduction des émissions de 55% en 2030 par rapport à 1990.

Le Grand Port maritime de Nantes Saint-Nazaire (GPM) est lui aussi confronté à une crise existentielle. Plus de 70% du trafic du Port est lié aux énergies fossiles, à l’image de l’économie qu’il irrigue. L’enjeu de décarbonation est posé dans ses documents stratégiques à horizon 2026, avec dans un premier temps une stabilisation des activités d’import de produits énergétiques pétroliers et gaziers. Mais la guerre en Ukraine a changé la donne de l’approvisionnement hexagonal, donc la trajectoire du GPM, dont les revenus liés aux fossiles ont fortement cru en 2022. Parallèlement, le GPM s’envisage, toutefois, comme une plateforme de développement des filières de transition énergétique : éolien en mer, hydrogène, green shipping.

L’estuaire de la Loire et la raffinerie de Donges ©Martin Launay – Ville de Saint Nazaire

Activités industrielles et biodiversité : quelles règles de cohabitation ?

Le domaine portuaire représente 2 722 hectares, l’équivalent de 3 888 terrains de football. Les espaces naturels occupent près de 40% de cette surface. Certains font l’objet de classification spécifique. On recense 23 ZNIEFF situées au sein ou à proximité immédiate de la circonscription portuaire, 3 sites Natura 2000 et 3 arrêtés préfectoraux de protection biotopes.Le CESER souligne cependant que les outils de protection en vigueur n’ont pas de valeur réglementaire. Exemple : un espace classé Natura 2000 a pour vocation la mise en place d’actions de protection des habitats et des espèces qu’il abrite, mais les projets d’aménagement ainsi que les activités humaines n’en sont pas exclus.
La création d’une réserve naturelle de l’estuaire de la Loire est en projet et fait débat. Elle marquerait le caractère prioritaire des enjeux de préservation de la faune et de la flore sauvage, mais l’enjeu est la cohabitation entre les activités humaines ainsi que la flore et la faune qui s’y déploient. Sans cadre réglementaire, les activités humaines – consommatrices de ressources et d’espaces – peuvent-elles s’auto-limiter ?
Cette question est d’autant plus vibrante que les défis de souveraineté alimentaire, de production d’énergies renouvelables et de matériaux biosourcés, ou encore de capture de carbone, reposent sur des espaces déjà fragilisés.

Le casse-tête écologique et social de la construction

434 600 habitants supplémentaires. C’est ce que projette l’INSEE quant à l’évolution démographique régionale d’ici à 2070. Dans ce contexte, le besoin en nouveaux logements est estimé entre 23 000 et 24 000 par an. Entre août 2021 et juillet 2022, 34 000 autorisations de construction ont été délivrées par la DREAL Pays de la Loire.
La consommation de matières pour les besoins de la construction est deux fois plus élevée que la moyenne française. 15% des besoins « seulement » sont couverts par le réemploi et le recyclage. Et 26 % des matières extraites localement sur une année sont inutilisées. La construction emploie de nouveaux matériaux, ressources non renouvelables, dont les stocks sont épuisables. Dans son analyse sur les flux de matières pour la région, le Cerema souligne que la question de la disponibilité de la matière locale se pose à long terme. Ainsi, la production maximale autorisée permettant l’exploitation des carrières de granulats de roches meubles prendra fin en 2040 si aucune autorisation administrative n’est renouvelée. À cette question de la disponibilité des ressources s’ajoute celle de l’impact des carrières. « En modifiant les milieux superficiels et les biotopes, l’exploitation de carrière a une incidence sur les milieux et les espèces animales et végétales présentes sur un site avant le projet et par conséquent sur la biodiversité », rappelle la DREAL, qui cite également l’eau et les zones humides, dont la « destruction [peut] être considérée comme irréversible ».
Les pistes pour réduire notre appétit sont connues. Allongement de la durée de vie des bâtiments par l’utilisation de matériaux durables, multifonctionnalité, densification urbaine, politiques de réhabilitation du bâti ancien. Elles permettent de répondre au besoin vital de se loger tout en enrayant l’artificialisation des sols, enjeu lui aussi vital.

Blue Mine de Springbok en Afrique du Sud. Création de l’artiste Dillon Marsh.

Les impacts de nos métaux stratégiques

Si l’énergie est le sang de notre économie, celle-ci s’alimente également en matières premières minérales, incontournables à des pans entiers de notre économie tels que l’industrie, la high-tech, les télécommunications, la santé, le nucléaire, l’aérospatial et la défense.

La tech : grande consommatrice de matières

En Pays de la Loire, la filière numérique emploie 3,7% des effectifs salariés de la région, un chiffre en hausse de 65% en comparaison à 2007. L’essor des technologies numériques n’a pas dématérialisé l’économie, bien au contraire : équipements numériques, réseaux, data centers… La fabrication d’un smartphone de 120 g nécessite 70 kg de matières premières (extraction des minerais, fabrication, transport). La mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat prévoit une augmentation des émissions de gaz à effet de serre du secteur de 60 % d’ici à 2040 en France. Côté minerais, les mines génèrent la destruction d’habitats naturels. La purification d’une tonne de terres rares nécessite au moins 200 mètres cubes d’eau, ainsi chargée d’acides et de métaux lourds. La plupart du temps, ces pollutions liées à nos chaînes de valeur ont lieu ailleurs. Par exemple, en Chine, premier pays en termes de réserves à l’échelle mondiale.

Transition énergétique : le paradoxe de l’utilisation des matières

L’électrification liée à la transition énergétique nécessite également des métaux : cuivre, cobalt, lithium, terres rares,etc. Leur utilisation est tirée par le déploiement des technologies bas-carbone (véhicule électrique, éolienne, etc.). D’après l’ADEME, la croissance estimée de la demande mondiale en terres rares est de 6% par an. À l’échelle de la région, le SRADDET pose l’objectif de faire des Pays de la Loire une région à énergie positive en 2050. Les leviers ? Le développement des énergies renouvelables afin qu’elles couvrent 100% des besoins en énergie et la division par deux des consommations énergétiques. Ce second levier est une composante clé pour limiter la hausse de l’empreinte matière régionale liée à l’expansion des énergies renouvelables.

Penser la mutation de notre économie ne peut se faire uniquement à l’aune de l’atténuation du dérèglement climatique et de la conversion technique de nos systèmes. Seule une forte circularisation, voire une réduction volumique de notre consommation de matières permettront d’enrayer la perte d’espaces naturels et de biodiversité, et la réduction des pollutions, chez nous, comme à l’autre bout du monde.

Les véhicules électriques, grands consommateurs de matériaux critiques
Source : Agence Internationale de l’Énergie dans l’article Les terres rares font leur retour comme opportunité d’investissement publié par Le Temps en mai 2018
Bilan de l’analyse des flux de matières en Pays de la Loire
Source : DREAL, Conseil régional Pays de la Loire et ADEME, issue de la publication « Analyse des flux de matières de la région Pays de la Loire »

Notre économie est engagée dans une mutation systémique. Elle doit se décarboner mais aussi s’adapter au changement climatique. Elle doit réduire la pression sur les ressources et circulariser celles-ci. Elle doit anticiper la transformation des emplois.


Les vulnérabilités du tourisme

19 millions de visiteurs chaque année. 64 900 emplois en haute saison. Le tourisme pèse pour 6,3% du PIB régional. Les atouts naturels ligériens ? 450 kilomètres de littoral, le fleuve de la Loire, quatre parcs naturels régionaux, des équipements touristiques, de nombreuses manifestations. Les Pays de la Loire pointent à la septième place nationale en termes de nuitées, avec un essor notable : +3 millions de nuitées entre 2011 et 2019.

« Le tourisme a le potentiel de faire énormément de bien ou énormément de mal », selon la formule de Klaus Toepfer, ancien directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Ses effets sont bénéfiques pour l’économie locale, mais les milieux naturels en sont fortement impactés : infrastructures, routes, pollutions lumineuses et sonores. Ces impacts fragilisent les milieux naturels, voire les dégradent.

L’économie régionale du tourisme est par ailleurs plus que sensible aux évolutions du climat. 40% de son chiffre d’affaires annuel est concentré sur le littoral, soumis à l’érosion côtière et à la montée des eaux. L’île de Noirmoutier voit sa population multipliée par dix en période estivale, alors que les deux tiers de son territoire se situent en dessous du niveau des pleines mers. Tout va se jouer au niveau du Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) dont la révision est prévue en 2023. Ce document élaboré par les services de l’Etat identifie, pour un territoire, les zones vulnérables au risque de submersion marine. Alors que le PPRL actuel prenait en compte les observations faites à l’occasion de la tempête Xynthia dans la visualisation des zones vulnérables, la révision intégrera les perspectives d’élévation du niveau de la mer. Étant donné le rôle du PPRL qui a pour objectif de réglementer l’aménagement du territoire, et éventuellement, d’interdire des constructions dans des zones à risque, on peut s’interroger quant aux conséquences sur un développement touristique qui est aujourd’hui marqué par l’urbanisation.

Culture et soft power

Sur 3500 sites, lieux et équipements culturels régionaux, un peu plus de la moitié se trouvent en Loire-Atlantique et en Maine-et-Loire. La culture, c’est 1,7% de la population active régionale. De tels atouts peuvent être mobilisés au service des nouveaux imaginaires, un des leviers de transition écologique. Les activités culturelles ne sont pas dénuées d’impact – mobilités des visiteurs, pollutions, artificialisation des sols, consommations énergétiques – mais elles peuvent nous aider à forger un horizon désirable. Le Plan de transformation de l’économie française du Shift Project propose plusieurs pistes pour réduire l’impact carbone du secteur culturel, tout en maintenant son soft power : écoconception des oeuvres, changement d’échelles des festivals par exemple, renoncement à certains équipements énergivores.


Anticiper l’évolution des emplois

Les termes de l’équation sont complexes. Nous avons à rendre notre économie plus résiliente face aux chocs climatiques, et plus « légère » afin qu’elle opère dans les limites des bio capacités terrestres et des cycles de régénération des ressources. Si la mutation de notre économie et de ses modèles d’affaires est clé, celle-ci s’accompagnera de profondes évolutions des métiers et des compétences. La décroissance de secteurs fortement dépendants des énergies fossiles conduira à des pertes d’effectifs. Inversement, d’autres pans de l’économie sont appelés à croître fortement. Un exemple ? Le Shift Project projette un recul des effectifs nationaux de l’ordre de 40% dans la filière automobile. Passer du véhicule thermique à l’électrique ne suffira pas à compenser les pertes d’emplois. A contrario, une agriculture moins consommatrice de produits phytosanitaires et moins mécanisée nécessite davantage de main-d’œuvre. De même, l’augmentation des besoins en rénova- tion thermique des bâtiments implique de former des personnels à de nouvelles techniques et donc à une évolution des métiers. La question de l’emploi et des compétences est un « noeud de la transition écologique », selon le Réseau action climat et l’Institut Veblen. « Elle peut devenir un point de blocage si les mutations des secteurs les plus émetteurs (pétrochimie, ciment, transport routier, aéronautique…) ne sont pas correctement anticipées et les travailleurs (…) correcte- ment accompagnés dans la reconversion professionnelle ».

De fait, la mutation qui s’annonce peut avoir un impact social négatif, avertit le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII): « L’enjeu de la transition écologique qui se dessine consiste surtout à développer des politiques permettant de concilier décarbonation et renforcement des tissus productifs ».

Emploi : un besoin de prospective

À l’échelon régional, des outils existent, comme Tête, pour « Transition Écologique Territoire Emplois ». Développé par l’ADEME et le Réseau Action Climat, il permet d’estimer les impacts emploi des politiques climat – énergie à l’échelle d’un territoire. Il est ainsi possible de chiffrer le potentiel de création d’emplois liés au développement des énergies renouvelables sur un territoire. Malheureusement, il n’existe pas de travaux approfondis sur ce sujet en Pays de la Loire. C’est un manque.

De son côté, le réseau des Carif-Oref a mené une expérimentation sur 11 mois, au sein de trois régions, dont les Pays de la Loire. Différents secteurs d’activités ont ainsi été étudiés afin de comprendre la nature des impacts de la transition écologique en termes de connaissances et compétences requises. « Les premiers résultats montrent que la transition écologique implique davantage un besoin de connaissances supplémentaires qu’un changement radical de compétences », souligne David Chen, chargé d’études Carif-Oref.125 Les résultats de l’expérimentation donneront lieu à la création d’un répertoire de compétences en lien avec la transition écologique. Objectif : aider les acteurs de la formation professionnelle à proposer des formations adaptées à la transition écologique.

40%
Le Shift Project projette un recul des effectifs nationaux de l’ordre de 40% dans la filière automobile.

Bâtir un écosystème favorable aux grandes transitions

Les têtes de réseaux de la région se sont saisies du sujet des transitions et font feu de tout bois : accompagner les prises de conscience, mettre à disposition des ressources, capitaliser sur les expériences réussies pour qu’elles se répliquent.
Vegepolys, le pôle de compétitivité qui rassemble les acteurs du végétal a lancé un projet sur la résilience des systèmes de productions agricoles face aux changements climatiques. Le pôle EMC2

  • dédié aux technologies de fabrication
  • déploie Ecoprom, un dispositif d’accompagnement à l’écoconception, intégrant un mentorat en Analyse de Cycle de vie. Novabuild regroupe plus de 400 acteurs de la construction, de l’immobilier et de l’aménagement autour des enjeux de climat, de biodiversité et des ressources.

Le collectif des Dirigeants responsables accompagne ses membres dans leur parcours de formation. L’association Ruptur accompagne ses adhérents sur la mobilité, les achats ou encore la comptabilité en triple capital. Enfin, les agences de développement jouent un rôle crucial d’attraction et d’animation des entreprises motrices des transitions. Plusieurs d’entre elles travaillent à repenser leur modèle, historiquement tourné vers l’attractivité à tout prix, au bénéfice des transitions.

Les universités et grandes écoles se mobilisent elles aussi. La Fresque du climat est devenue un classique des rentrées et événements étudiants. L’école de management Audencia s’est associée au Shift Project pour intégrer les enjeux écologiques dans toutes les formations de gestion.

Avec 110 laboratoires de recherche, des technopoles, 150 000 étudiants et des réseaux professionnels en mouvement, le tissu économique et entrepreneurial régional peut mobiliser un capital matériel et immatériel considérable. Réorienté vers une transition écologique ambitieuse, il constitue un potentiel significatif.

Au total, la transformation culturelle des acteurs de l’économie régionale est en marche. Reste la question des indicateurs de succès et des résultats mesurables : inflexion des émissions de GES, des consommations de matières, développe- ment de nouveaux modèles, intégration de la biodiversité, investissement dans les communs et la régénération… Le chemin à parcourir pour transformer notre économie semble encore (trop) long.

Propositions

  • Préparer et acter le renoncement des activités qui vont à l’encontre des transitions écologiques
  • Identifier les impacts de la transition écologique sur l’emploi et communiquer à leur sujet
  • Mobiliser la filière agro-alimentaire pour soutenir les acteurs de l’agriculture régénératrice
  • Créer un observatoire sur la transition écologique effective des acteurs économiques
  • Coaliser les acteurs économiques autour de la résilience régionale
  • Conditionner la commande et les aides publiques à des pré-requis écologiques

Sommaire du Livre Blanc

  • Préambule
  • Résumé à l’attention des gens pressés
  • Chapitre 1 : là où nous vivons
  • Chapitre 2:  ce que nous faisons
  • Chapitre 3 : celles et ceux qui inventent
  • Chapitre 4 : les défis de la régénération
  • Compléments à la version papier
  • Références méthodologiques
  • Remerciements aux partenaires
  • Liste des personnes interviewées
  • Glossaire
  • Notes bibliographiques

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