Chapitre 1 : Là où nous vivons
État de santé des écosystèmes naturels de la région des Pays de la Loire. Projections d’évolutions face au dérèglement climatique.
Là ou nous vivons
Nous vivons les pieds sur Terre. Sur un sol. Or tout se passe comme si nous avions oublié que ce dernier constitue le socle de nos vies. Forts d’une grande variété de sols, les Pays de la Loire figurent cependant à la quatrième place des régions les plus artificialisées de France. Forte attractivité démographique, pression touristique et déprise agricole combinent leurs effets, avec une pression foncière continue. Les villes continuent de grignoter les sols, fertiles parfois, pourtant clé de voûte de la vie. Maintenir des sols non artificialisés permet d’atténuer les chocs du changement climatique et de préserver la ressource en eau.
Celle-ci, source de vie, irrigue le territoire sur 18 000 km, sous des formes variées. Les marais, zones humides, rivières et le fleuve de la Loire modèlent les paysages et structurent les villes. Mais cette ressource connaît un état de fragilité inédit et préoccupant. 11% seule- ment des masses d’eau du territoire présentent un bon état écologique !
Les effets des sécheresses et de la diminution du débit de la Loire, causés par le changement climatique posent la question de sa disponibilité à l’avenir. Par ricochet, la question de la viabilité des systèmes économiques et humains, dépendant de son usage, est aussi posée.
Au total, les voyants des éco- systèmes régionaux sont au mieux à l’orange, souvent au rouge. Leur adaptation, celle de nos habitats, de notre économie, sont un immense défi. La crise de l’eau, soudaine par ses manifestations, profonde dans ses causes, en apporte l’illustration. Les services fournis par la nature, qui conditionnent l’habitabilité du territoire à terme, sont touchés.
Ce message difficile à recevoir peut susciter une mobilisation à la hauteur, de la part des acteurs politiques et économiques. (Ré)investir la question de nos « communs » naturels est stratégique.
Les forêts
Que valent une prairie, une zone humide, une haie, aux yeux des acteurs économiques ?
Que vaut la population d’insectes ou d’oiseaux ? Sont-ils considérés
comme un paysage lointain ? Comme les éléments constitutifs d’une bulle de nature à arpenter pendant nos loisirs ? Comme des espaces productifs – pour l’agriculture – ou des atouts, pour la filière touristique ?
En 2019, un rapport international fondateur a été produit par une instance internationale peu connue : l’IPBES. Synthétisant des milliers d’études produites par des chercheurs du monde entier, ce document souligne que la nature et la biodiversité ont des valeurs intrinsèques. C’est ce que l’on perçoit d’un récif corallien ou d’une zone humide peuplée d’oiseaux migrateurs. Elles présentent des valeurs culturelles et spirituelles : c’est le cas des marais, bien souvent porteurs de traditions. La nature et la biodiversité apportent également des services essentiels à la vie : les cycles de l’oxygène, de l’azote, de l’eau, la pollinisation, entre autres.
Elles produisent, enfin, des services très matériels : alimentation, matériaux, médicaments, etc.
Dans notre région, comme ailleurs, notre capacité à bénéficier à long terme de ces services et des ressources renouvelables est affectée… Parce que l’état de nos écosystèmes est alarmant. Nous avons et nous aurons à vivre les conséquences des changements climatiques. Nos zones humides, nos prairies, nos forêts, nos rivières et – surtout – nos sols, constituent les atouts premiers de la résilience écologique, humaine et économique d’un territoire comme le nôtre
Une forêt riche, mais morcelée et très sollicitée
Les forêts de la région forment des écosystèmes variés et riches en biodiversité. 93% des forêts publiques des Pays de la Loire sont reconnues pour leur richesse écologique12. Elles se composent majoritairement d’essences feuillues – les chênes représentent 39% de la surface forestière ligérienne. Au-delà de leur biodiversité foisonnante, les forêts constituent un atout pour le stockage du carbone. Leur accroissement a permis de stocker 3,8 MtCO2e en 2018 et a compensé, pour cette même année, les émissions liées à l’artificialisation des sols et à la récolte du bois.
« En dépit du faible taux de boisement de la région, l’activité forestière demeure importante », explique Nicolas Visier, directeur de l’association Fibois. Essor du bois-énergie, utilisation du bois comme matériau pour remplacer le béton-construction.
Le bois apparaît comme une solution pour limiter l’empreinte carbone de filières. La région vise 15% du mix énergétique approvisionné en bois-énergie d’ici à 2050. Ainsi, la forêt peut être le théâtre de conflits d’usage, entre préservation des puits de carbone d’une part et développement de nouvelles filières biosourcées, d’autre part.
Le potentiel économique de la filière bois peut par ailleurs favoriser une gestion forestière privilégiant les monocultures alors même que les forêts diversifiées sont jugées plus résilientes (moins grande vulnérabilité aux attaques de ravageurs et aux aléas climatiques). Au total, on observe bien une augmentation de la surface forestière depuis plusieurs années, mais celle-ci se conjugue avec une dégradation de sa santé.
À la demande croissante en bois, s’ajoute le contexte climatique d’augmentation des températures, des sécheresses et des risques d’incendies. Ainsi se pose la question de l’adaptation des essences régionales à ces nouvelles conditions. L’ONF s’emploie à diversifier les essences plantées et leur provenance, pour créer des « forêts mosaïques ». Le champ d’action de l’ONF se limite toutefois aux forêts publiques… qui représentent 10% de la surface forestière régionale. Le public réalise très peu d’acquisitions forestières. Et la propriété privée et dispersée des forêts constitue un verrou important au changement.
Comment définir l’état
de santé d’une forêt ?
L’état de santé d’une forêt est contrôlé par plusieurs indicateurs : le stock et le taux d’arbres morts et le taux de mortalité des branches. La succession de plusieurs années sèches, avec de très fortes températures, a contribué à fragiliser fortement les forêts.
De nouveaux bioagresseurs ont également été introduits – via le commerce international – sur le territoire français, comme l’encre du châtaignier ou la pyrale du buis18.
En conséquence, on observe depuis 2017 une hausse du stock de jeunes arbres morts, particulièrement dans les petits bois19. Certaines essences comme les châtaigniers, les chênes pédonculés et les pins sylvestres sont particulièrement touchées20.
Par ailleurs, le changement climatique renforcera indirectement l’action des pathogènes et des bioagresseurs, les arbres étant fragilisés par le stress hydrique.
Le (très) mauvais point de la qualité de l’eau
18 000 km de cours d’eau, irriguant le territoire autour de la colonne vertébrale de la Loire. Le précieux liquide se montre généreux avec notre région. Prenant des formes variées, il abrite une biodiversité remarquable et est au centre des principales activités économiques, sociales et culturelles. Celles-ci en sont logiquement devenues très dépendantes. Or, la géologie particulière du territoire a laissé peu de place aux nappes phréatiques. Les prélèvements sollicitent donc fortement les masses d’eau superficielles. Et ces dernières s’avèrent très dégradées.
Seules 11% des masses d’eau superficielles de la région affichent un bon état écologique. Ce dernier se mesure à l’aune de critères biologiques – espèces animales et végétales –, hydromorphologiques et physico-chimiques.
Concernant l’état chimique, on observe une prédominance des pollutions par les pesticides, nitrates et phosphore d’origine agricole. Ces polluants se propagent de manière généralisée. La région a notamment mis en place un programme d’actions régional visant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole en 2018. La présence de pesticides comme le S-métachlore, l’un des trois herbicides les plus utilisés en agriculture conventionnelle, est très surveillée. En 2020 dans les Pays de la Loire, les ventes de cet herbicide, classé comme « cancérigène suspecté » par l’ECHA et très toxique pour les milieux aquatiques, s’élevaient à 143 tonnes, avec une augmentation préoccupante des ventes en Sarthe et en Vendée et une stabilisation dans les autres départements.
L’urbanisation grandissante de la région génère elle aussi une forte pression sur la qualité de l’eau. L’imperméabilisation des sols limite considérablement l’infiltration. Au lieu de retourner dans son milieu d’origine, l’eau lessive les surfaces et achemine les polluants au creux des sols. Ainsi, comme le précise Rémi Le Besq de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, « les nouveaux projets d’aménagement urbain devraient privilégier les logiques d’infiltration afin de réduire le ruissellement et donc de permettre à l’eau de s’infiltrer là où elle tombe, sans emporter de polluants avec elle. »
Pressions croissantes sur la ressource
Située à la croisée de trois bassins – armoricain, parisien et aquitain – la région affiche une morphologie géologique singulière, avec de faibles réserves en eau dans les nappes phréatiques et de faibles étiages. Les prélèvements se font prioritairement dans les masses superficielles. Ces cours d’eau subissent donc de fortes pressions.
En Loire- Atlantique, 80% de la production d’eau potable provient de la Loire. Ces pressions peuvent être hydrologiques, avec un impact fort des prélèvements. Augmentation de la population, irrigation, afflux touristique… La demande s’intensifie. Ce, alors même que la diminution du débit de la Loire est estimée entre 50 et 60% d’ici à 2100, en conséquence du dérèglement climatique.
Lorsque la morphologie et le fonctionnement hydraulique des cours d’eau sont modifiés (artificialisation des bassins versants, rupture de continuités écologiques), il s’agit de pressions morphologiques
Dans ce contexte, la question de la réutilisation des eaux usées est au cœur des discussions et soulève des interrogations : contraintes sanitaires, risque d’assécher les cours d’eau…
« La réutilisation doit se combiner à des économies importantes des prélèvements d’eau et à la protection de certains milieux », souligne Morgan Priol, directrice régionale de l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne, interrogée par le magazine Loire-Atlantique en novembre 2022.
Sécuriser l’eau potable : le cas de Nantes
Baisse annoncée du débit de la Loire. Forte augmentation de la population : +434 600 habitants de plus en 2070 par rapport à 2018 dans la région… La sécurisation de l’approvisionnement en eau potable préoccupe la métropole de Nantes. Elle puise une grande partie de son eau dans la Loire, dans un point de captage en amont de la ville. Or ce dernier est menacé par le phénomène de bouchon vaseux.
« Lorsque le débit de la Loire est faible, explique Xavier Rachez, directeur régional du BRGM, l’océan remonte depuis l’estuaire jusqu’au niveau de Nantes sous l’influence des marées. Le bouchon vaseux, qui se crée au contact avec l’eau salée, rend l’eau turbide, avec un risque d’altération de la qualité de l’eau prélevée. Cela compliquerait les traitements pour rendre l’eau potable, s’il remontait jusqu’au point de captage.«
Une première alerte sérieuse a eu lieu en été 2022. Afin d’anticiper les évolutions futures, la métropole de Nantes prévoit de doubler ses investissements pour améliorer la gestion et la distribution d’eau potable sur le territoire.
Sols : stopper l’inexorable artificialisation
Les terres non artificialisées sont un trésor. Elles stockent du carbone et de l’eau, soutiennent la croissance des végé- taux, abritent la biodiversité. Or, 11,2% des sols de la région sont artificialisés, plaçant celle-ci au-dessus de la moyenne française (9%)
L’étalement urbain entraîne une forte imperméabilisation des sols, la destruction d’espaces naturels abritant la biodiversité, la création d’îlots de chaleur et des émissions de gaz à effet de serre.
En dépit de l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) de la loi biodiversité de 2018, la méconnaissance des sols et la pression démographique entretiennent une dynamique d’urbanisation de terres fertiles.
« Le critère de qualité agronomique des sols n’est pas pris en compte par les communes dans leur projet d’urbanisation et d’aménage- ment du territoire. Les meilleures terres ne sont pas protégées« , s’inquiète Sylvain Charpentier, professeur en sciences du sol à Agrocampus Ouest. Dans la continuité, France Stratégie cite la modification des règles d’urbanisme et la densification de l’habitat comme pistes pour freiner l’artificialisation.
Le changement d’usage des sols constitue la première cause d’érosion de la biodiversité avant la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions et la présence d’espèces exotiques envahis- santes48.
Conséquence : dans la région, on enregistre une perte nette de biodiversité.
Selon la LPO, 43% des reptiles sont menacés d’extinction contre 29% en 2009. 38% des mammifères voient leur population décliner et 40% des poissons sont menacés. La situation est encore plus préoccupante pour les oiseaux nicheurs : 6 espèces disparues au niveau régional et un tiers d’entre elles menacées.
Mieux comprendre la situation pourrait passer par le suivi de l’évolution de certaines espèces animales et végétales – réputées pour être des bioindicateurs de la santé des écosystèmes.
À ce jour, la région des Pays de la Loire est la seule avec la Corse à ne pas encore disposer d’un observatoire de la biodiversité.
Des hotspots de biodiversité
D’une manière générale, les données manquent sur le sujet de la biodiversité, alors que la connaissance est un enjeu pour déployer des plans d’action adaptés.
Les zones humides font partie de ce que l’on appelle des « points chauds » (« hotspots ») de biodiversité, des zones géo- graphiques où le vivant prospère, avec une présence notable d’espèces endémiques. Le Conservatoire d’espaces naturels régional relève la présence de « points chauds » de flore notamment dans des zones humides. Celles-ci revêtent une importance capitale pour la préservation de la biodiversité.
Elles sont notamment répertoriées au sein de l’inventaire des ZNIEFF.
Les ZNIEFF de type I sont des « espaces homo- gènes écologiquement, définis par la présence d’espèces, d’associations d’espèces ou d’habitats rares, remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel régional » plus intéressants écologiquement que celles de type II. Par exemple, les zones humides de la région comme le marais de Grande-Brière ou le Lac de Grand-Lieu sont classées ZNIEFF de type I. Pour autant, ce statut de zone à forte richesse écologique n’implique pas nécessairement de politique de protection des espaces.
Le marais de Brière sous forte pression
Campagnes bocagères, marais saumâtre du Mès, marais doux de Brière. Le Parc naturel régional (PNR) de Brière, situé au nord de l’estuaire de la Loire, forme une vaste zone humide en Loire-Atlantique.
C’est le deuxième marais de France après la Camargue, et un immense puits de carbone.
Le marais de Brière se distingue par sa proximité géographique et ses liens étroits avec le bassin industriel de Saint-Nazaire.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le parc avait été créé pour préserver le marais, délaissé par les agriculteurs devenus ouvriers aux chantiers navals. Les briérons étaient donc mi-agriculteurs, mi-ouvriers de la navale. Ces liens se sont distendus jusqu’à créer une dichotomie entre les va- leurs de préservation des milieux naturels et des savoirs-faire traditionnels, défendues par le parc, et l’économie mondialisée promue par les industries de l’estuaire ligérien.
Défini comme un outil d’animation du territoire et de valorisation des activités humaines traditionnelles qui s’y exercent, le parc ne dispose pas de pouvoir réglementaire pour agir à la source des pressions humaines, telles que l’intensification des activités économiques qui se répercutent sur la qualité de ses milieux.
À ces pressions extérieures s’ajoutent la présence d’espèces envahissantes animales – les ragondins, qui dégradent les berges – ou végétales – la crassule de Helm, plante aquatique qui fragilise les roselières – et la création de nouveaux canaux, qui perturbe le régime hydrologique du marais.
Véritables atouts dans la lutte contre le dérèglement climatique, le rôle des zones humides et les services qu’elles rendent sont pourtant méconnus du grand public et des mondes économique et politique.
Pour y remédier, le PNR a lancé une démarche prospective sur l’évolution du marais à horizon 2060.
Quels seront les impacts de l’accélération du changement climatique et de la dégradation des écosystèmes sur la Brière ? Cet exercice de prospective a permis d’initier de premières réflexions sur l’avenir du parc autour du développement de boucles locales et énergétiques, de nouveaux usages collectifs, tel que la gestion intégrée de l’eau.
Myrtille Le motheux, la responsable du service développement local du parc souligne également que la dégradation du milieu interroge sur ses capacités à stocker effectivement du carbone. « L’enjeu aujourd’hui est de savoir comment préserver la fonction puits de carbone des zones humides afin de faire évoluer nos pratiques de gestion en conséquence ».
Les réussites du marais poitevin
Le Parc naturel régional (PNR) du Marais poitevin s’étend sur 204822 hectares entre la Vendée, les Deux-Sèvres et la Charente- Maritime. Première zone humide de la façade atlantique, il se compose de milieux variés : littoral, prairies, canaux d’eau douce. Sa biodiversité est exceptionnelle, sa faune et sa flore très variées : une cinquantaine d’espèces de mammifères aquatiques et terrestres, 337 espèces d’oiseaux, 34 espèces de poissons, une foule d’insectes.
Il abrite également différentes espèces végétales rares et protégées qui peuplent différents milieux : rives, zones aquatiques, prairies et littoral. Cette zone humide constitue également un puits de carbone précieux, grâce à ses prairies naturelles, ses tour- bières et la sédimentation dans la baie de l’Aiguillon, en sortie de marais. Enfin, le marais poitevin constitue une zone d’expansion des crues, limitant les risques d’inondation. Préserver le marais et cette fonctionnalité écologique est primordial
Malgré ses atouts, cet écosystème souffre des effets du changement climatique, de la destruction des habitats naturels, de l’augmentation des pollutions d’origine agricole et de l’arrivée d’espèces envahissantes.
Ses 100 000 ha situés en dessous du niveau de la mer à marée haute, rendent le marais particulièrement sensible aux épisodes de submersion marine, phénomènes qui se multiplieront sous l’effet du change- ment climatique.
Les équipes du Parc mènent un travail de mobilisation des propriétaires fonciers et agricoles pour favoriser l’évolution des pratiques culturales et ainsi convertir des parcelles cultivées en prairies. En 10 ans, le parc a ainsi vu sa surface de prairies augmenter de 10%. Mais le départ à la retraite de nombreux agriculteurs et l’augmentation du prix du quintal de blé fragilisent cette dynamique, en favorisant notamment les sociétés exploitantes. Cette situation risque de verrouiller les possibilités de renaturer certains espaces, et d’engendrer une pression foncière forte sur la zone humide.
Enfin, le marais est colonisé depuis plusieurs années par des espèces exo- tiques envahissantes comme l’écrevisse de Louisiane et la jussie.
Pour faire face à ces pressions, le PNR travaille à restaurer des habitats naturels et à comprendre les interactions entre la zone humide du marais et la baie de l’Aiguillon. Avec des résultats encourageants, notamment sur la qualité de l’eau. En parallèle, des actions de sensibilisation et un programme ambitieux sur le changement climatique et l’adaptation sont lancés. Au-delà de l’enjeu écologique de la préservation du marais, c’est un ensemble de traditions et de savoir-faire qui sont à préserver, avec le milieu qui les porte.
Démographie : littoral saturé et déserts médicaux
Près de 3,8 millions de personnes résident dans les Pays de la Loire, soit près de 6% de la population française. L’accroissement annuel de la population y est très supérieur à la moyenne nationale (0,7% contre 0,4%). Cette évolution démographique, qui s’explique principalement par l’arrivée de nouvelles populations, est hétérogène selon les départements. Si la Loire-Atlantique pèse pour 69% de l’augmentation de population, portée par le dynamisme démographique de la métropole nantaise et du littoral atlantique, la tendance est soutenue en Vendée et Maine-et- Loire et stable en Mayenne et en Sarthe
Un accès inégal aux services de santé
Dans ces deux derniers départements, la faible intensité démographique s’est accompagnée d’un recul voire d’une disparition de certains services. Par exemple, la Mayenne est touchée par une forte désertification médicale : l’accès aux médecins généralistes s’y dégrade dans un contexte de population vieillissante. Il est à noter que la question de l’accès aux soins touche touche aussi bien les zones rurales que les petites agglomérations. Ces difficultés sont d’autant plus problématiques que le changement climatique augmente les risques sanitaires avec le développement de maladies infectieuses, l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, la pollution de l’air et de l’eau…
La difficile question du logement
Les départements de Loire-Atlantique et de Vendée voient, quant à eux, leur population augmenter fortement en raison de l’attractivité du littoral, ce qui pose la question de l’accès au logement pour tous. On observe en effet une tension sur l’accès au logement social dans la région, avec un taux de vacance de 2,2%, légèrement inférieur au taux national. À titre d’exemple, 37 communes de la région n’ont pas atteint les objectifs imposés par la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains) qui instaure un seuil minimal de logements locatifs sociaux à atteindre par commune (20 ou 25%). Cependant, comme à Nantes et Angers, certaines communes de la région affichent des parts de logements sociaux bien supérieures aux seuils imposés.
À cela s’ajoute la présence de résidences secondaires : en 2019, elles représentaient 10,7% des habitations de la région avec une forte concentration sur le littoral.
En conclusion, la question du logement est soumise à des injonctions fortes et parfois contradictoires. Comment accueillir davantage, tout en contenant l’artificialisation ? Comment reconstruire la ville sur elle-même, sans la gentrifier ? Comment mutualiser les espaces artificialisés et les bâtiments existants ? Les défis à relever pour habiter sur notre territoire sont immenses. Des espaces de discussion sont à créer pour les traiter.
Des villes vulnérables
Augmentation de l’intensité, de la fréquence et de la durée des vagues de chaleur… Si les scenarii du GIEC varient dans leurs projections, ils annoncent tous une augmentation notable des tempéra- tures. Les Pays de la Loire ont déjà enregistré autant de vagues de chaleur entre 2000 et 2020 que lors des cinq décennies précédentes. Le 18 juillet 2022 deux communes du Maine-et-Loire ont connu une température maximale de 42,6°C, un record.
Or, les villes concentrent près de la moitié de la population régionale et ne sont pas préparées à ces épisodes extrêmes répétés. On y observe des îlots de chaleur urbains (ICU), formés par des écarts de température importants – jusqu’à 14°C en été en Loire-Atlantique – entre les milieux urbains et les zones rurales alentour.
Les causes ? La minéralisation excessive des villes, qui empêche l’évapotranspiration et absorbe fortement la chaleur ; des sources anthropiques d’émission d’air chaud multiples : circulation routière, chauffage, climatisation… Cette hausse locale des températures a des impacts sur la santé humaine et touche des populations vulnérables : les plus pauvres, les jeunes enfants, les personnes âgées. Santé Publique France relève une surmortalité relative de 18% pendant la vague de chaleur de juillet 2022. Les plus de 75 ans sont majoritairement concernés.
Préparer les villes au changement climatique est un enjeu stratégique. Deux axes sont identifiés : la rénovation massive des logements des populations les plus précaires et une forte végétalisation, pour limiter les îlots de chaleur et offrir des espaces naturels ombragés au plus grand nombre.
Montée des eaux et érosion côtière
Les villes littorales sont menacées par la montée des eaux, l’érosion côtière et le risque de submersion marine. Le marégraphe de Brest, indique une hausse du niveau de la mer de 25 cm en 200 ans.
Six communes de Loire-Atlantique et de Vendée sont soumises à l’obligation de prendre en compte l’adaptation à l’érosion côtière dans leurs politiques d’urbanisme : Saint-Brévin-Les-Pins, Saint-Nazaire, Assérac, La Baule-Escoublac Pornichet et La Tranche sur Mer.
Une des solutions pour limiter les risques que les submersions marines et le recul du trait de côte font peser sur les constructions humaines est la recomposition territoriale. En clair : déplacer des habitations et des infrastructures menacées.
C’est ce à quoi travaillent Riwan Kerguillec et toute l’équipe de l’Observatoire des Risques Côtiers (OR2C), aux côtés de différentes collectivités. Aujourd’hui, encore aucun exemple de recomposition territoriale n’a abouti en région Pays de la Loire. L’acceptabilité sociale est un point clé de la mise en œuvre de ce type de projets. « Le nombre d’habitations et d’infrastructures touchées, la culture du risque sont autant de facteurs qui entrent en ligne de compte dans l’appréciation des projets par les habitants ». « A chaque fois l’acceptabilité devra être mesuré au cas par cas » observe l’équipe de l’OR2C.
Propositions
- Intégrer la connaissance de la qualité des sols dans toutes les politiques d’urbanisme
- Préserver et développer les puits de carbone régionaux
- Favoriser l’absorption de l’eau par les sols
- Créer un observatoire régional de la biodiversité et des services écosystémiques
Sommaire du Livre Blanc
- Préambule →
- Résumé à l’attention des gens pressés →
- Chapitre 1 : là où nous vivons →
- Chapitre 2: ce que nous faisons →
- Chapitre 3 : celles et ceux qui inventent →
- Chapitre 4 : les défis de la régénération →
- Compléments à la version papier →
- Références méthodologiques →
- Remerciements aux partenaires →
- Liste des personnes interviewées →
- Glossaire →
- Notes bibliographiques →
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