Les principes de l’entreprise régénérative sont-ils applicables à l’industrie et comment ? Nous avons conçu, pour 7 dirigeantes et dirigeants de PME industrielles, une action collective pour se former et engager un premier projet. Voici leurs enseignements.
Devenir une entreprise régénérative ne se décrète pas. A fortiori, quand on opère dans l’industrie et que l’on manipule au quotidien des composants électroniques, matières plastiques issues du pétrole, métaux…
« Plasturgiste, automaticien, mécanicien, électronicien, mouliste… Nous sommes sept dirigeantes et dirigeants, membres du CDM, œuvrant sur un même territoire. Nos activités sont souvent questionnées, parfois même “bashées”. Et pourtant ! Nous nous posons, nous aussi, la question de nos impacts environnementaux.
Du variant Delta à la variole du singe
C’est pour cela que nous avons embarqué dans ce parcours sur neuf mois d’exploration de l’économie régénérative. Notre aventure a démarré avec le “variant Delta”, s’est prolongée pendant Omicron et a pris fin alors qu’émergeait la variole du singe. Nous nous sommes demandé si une industrie matérielle pouvait contribuer directement ou indirectement à la régénération des écosystèmes et des humains. Notre première réussite est d’avoir osé prendre du temps, prendre du recul sur nos activités, les envisager autrement.
Premiers projets lancés
Cela nous a demandé des ajustements d’emplois du temps, parfois de nous lever aux aurores et aussi un peu de courage pour nous dédier à d’autres sujets que la rentabilité économique immédiate de nos boîtes. Certaines, fortement secouées en ces temps incertains, ont dû quitter l’aventure en cours de route.
Partis d’une feuille blanche, nous avons déjà lancé un projet concret dans chacune de nos entreprises, pour certains envisagé un changement de stratégie, sans oublier la boîte à outils qui servira à l’envi. »
Vous pouvez télécharger le Livret d’exploration ici ou le découvrir au format diaporama en activant la lecture ci-dessous.
« La régénération, une ambition stimulante et lointaine »
Pour prolonger ce livret, nous avons proposé à quatre dirigeants ayant participé à cette exploration de livrer en détails leur retour d’expérience, sous forme de questions-réponses. Les voici :
- Entreprise Scheiber
- MT Concept
- Synoxis Médical
- Caliplast
Entreprise Scheiber
L’entreprise conçoit et réalise des produits de domotique embarquée.
- Dirigeant Fracnk Scheiber
- Création 1965
- 64 salariés
Quel est le niveau de maturité de votre entreprise ?
Nous sommes en phase de réflexion sur la meilleure route pour aller vers l’industrie régénérative. En interne certains se sont bien emparés du sujet.
Quels changements à mener ont été identifiés ? Que souhaitez-vous développer ? A contrario, y a-t-il des choses auxquelles renoncer ?
Nous souhaitons développer le reconditionnement de produits, qu’ils s’agisse de nos produits Scheiber ou d’autres technologies.
Quel premier projet concret avez-vous identifié ?
Notre premier objectif est de parvenir à reconditionner tous nos produits. Aujourd’hui une partie des produits sont recyclés : il s’agit de les reconditionner pour leur donner une deuxième ou troisième vie.
La régénération est un long chemin. Quelle est votre ambition ? Quels freins à lever avez-vous identifiés ?
Il faut convaincre en interne et en externe. Nous constatons suite à notre enquête externe que le sujet intéresse peu. Aujourd’hui il y a d’autres problématiques à traiter. Il nous faudra déjà avoir accès à des produits à reconditionner. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, par exemple les bateaux en déconstruction ont plus de 40 ans et ne sont pas ou pas bien équipés en produits électroniques.
À quoi ressemblerait votre entreprise, réintégrée dans les limites planétaires ?
Mon entreprise assurerait la récupération de produits électroniques embarqués – les nôtres et ceux des autres – pour les reconditionner avec des points de collecte et de retrofit dans le monde entier.
Entreprise Synoxis – Synoxis médical
Synoxis Médical distribue un système de « douche au lit ». Ce dispositif médical permet de doucher un patient directement au lit.
- Dirigeant Xavier Gaudefroy
- Création 1981 (Synoxis)
- 35 salariés
Quel est le niveau de maturité de votre entreprise ?
Je considère que nous sommes encore au début de cette histoire pour notre entreprise. Nous sommes focalisés sur la pérennité du modèle économique existant. Cela tend à placer la question de la durabilité au second plan. Cela dit les équipes sont motivées à travailler sur ces sujets et nous avons lancé notre bilan carbone.
Quels changements à mener ont été identifiés ? Que souhaitez-vous développer ? A contrario, y a-t-il des choses auxquelles renoncer ?
Ce à quoi je veux renoncer dans l’ancien modèle, c’est l’approche industrielle classique, fondée sur le volume de production et de vente. Nous explorons le changement de modèle économique, passer sur la location et augmenter la durée de vie de nos machines, voire reconditionner les pièces et matières premières de celles-ci. Nous ciblons donc un modèle d’affaires fondé sur la location, voire sur la fonctionnalité.
Quel premier projet concret avez-vous identifié ?
À partir de 2023, notre premier projet consiste à appuyer sur l’accélérateur : nous proposerons uniquement des douches au lit en location à nos clients directs. Nous maintenons le modèle classique de vente de l’appareil auprès de nos distributeurs. Le bilan carbone est notre second projet.
La régénération est un long chemin. Quelle est votre ambition ? Quels freins à lever avez-vous identifiés ?
C’est un changement de société et pas seulement d’entreprise. La régénération est par nature un très long chemin. En effet, nous n’avons connu en Occident qu’un seul modèle : celui de la (sur)consommation. C’est une révolution. Mon ambition serait que d’ici à dix ans l’ensemble des sociétés du groupe aient avancé fortement sur le chemin de cette mutation.
À quoi ressemblerait votre entreprise, réintégrée dans les limites planétaires ?
J’aime beaucoup le modèle de l’usine-forêt ouvert par Interface. D’un point de vue physique, ce serait un bâtiment à énergie positive, voire une entreprise-forêt. Nos collaborateurs y évolueraient en fonction de leurs envies : n’oublions pas l’humain ! J’ajoute que la société serait réconciliée avec l’entreprise, car celle-ci met en commun des forces au service de la vie du territoire. Mon entreprise, intégrée dans les limites planétaires, proposerait ce modèle.
Entreprise MT Concept
Conception et réalisation d’équipements industriels de production
- Dirigeant Mikaël Tydou
- Création 2017
- 10 salariés
Quel est le niveau de maturité de votre entreprise ?
Nous sommes sur nos premiers pas sur le très long chemin qui nous sépare d’une activité que l’on pourrait définir comme régénérative.
Quels changements à mener ont été identifiés ? Que souhaitez-vous développer ? A contrario, y a-t-il des choses auxquelles renoncer ?
Le premier changement est un projet concret de revégétalisation partielle de notre entreprise (lire question suivante). Ensuite, nous travaillons sur l’évolution de notre cœur de métier :
- Atelier collectif sur nos possibilités autour d’une conception avec moins de matière employée e/ou emploi de matière « recyclée »
- Impression 3D dont métallique
- Montées en compétence en conception
- Sourcing local
- Offre secondaire de réemploi dès nos propositions commerciales de matériels industriels d’occasion
Quel premier projet concret avez-vous identifié ?
Comme je l’expliquais, notre première action consiste à revégétaliser une partie de notre site, situé sur une zone d’activité artificialisée. C’est une action concrète et facile à comprendre pour nos équipes. Elle va nous permettre d’engranger un premier succès et de susciter l’adhésion de toutes et tous à la suite de notre feuille de route. Elle suscitera peut-être, également, des vocations chez nos voisins…
La régénération est un long chemin. Quelle est votre ambition ? Quels freins à lever avez-vous identifiés ?
Notre ambition et notre frein : faire évoluer nos compétences techniques.
À quoi ressemblerait votre entreprise, réintégrée dans les limites planétaires ?
En tant que dirigeant, il est difficile de formuler une vision claire à ce stade. D’une manière générale, les crises se succèdent de plus en plus vite. Leurs formes sont de plus en plus diverses. Nos plans stratégiques sont donc globalement de courte durée… Nous nous réajustons année après année. Notre objectif est de rééquilibrer au maximum nos impacts et faire des choix d’activité (clients) les plus en accord avec cet objectif.
Entreprise Caliplast
Conception et réalisation de pièces en injection plastique
- Dirigeant Pascal Metenier
- Création 1973
- 35 salariés
Quel est le niveau de maturité de votre entreprise ?
En toute sincérité, j’évalue que nous en sommes à 4/10 aujourd’hui. L’entreprise travaille sur un projet d’économie circulaire, qui est une première étape concrète pour embarquer les équipes. C’est un travail de fond, cela prend du temps.
Quels changements à mener ont été identifiés ? Que souhaitez-vous développer ? A contrario, y a-t-il des choses auxquelles renoncer ?
Peut-être faut-il renoncer à vouloir tout faire soi-même et privilégier les coopérations et l’intelligence collective. Renoncer aux matières pétrochimiques, en revanche, n’est pas simple. Mais leur substituer petit à petit des alternatives recyclées et/ou biosourcées est un long chemin, sur lequel nous nous engageons fermement.
Quel premier projet concret avez-vous identifié ?
Le projet CORP-2 : coopération et organisation pour le recyclage des plastiques. Nous allons équiper une première presse pour permettre d’en ré-utiliser 100% des rebuts.
La régénération est un long chemin. Quelle est votre ambition ? Quels freins à lever avez-vous identifiés ?
L’ambition c’est parvenir à embarquer nos donneurs d’ordre et nos clients, pour dépasser le cap des matières pétrochimiques. Le frein : réussir à construire, dans un premier temps, une filière circulaire et locale dans le plastique recyclé.
À quoi ressemblerait votre entreprise, réintégrée dans les limites planétaires ?
Notre énergie serait 100% décarbonée. Nous travaillerions dans des bâtiments autonomes en énergie. Et les matières que nous transformerions seraient à 100% recyclées ou biosourcées.
Se former : Leadership régénératif pour dirigeant-es Pour les Codir et équipes : de la RSE à l’économie régénérative Agir : participez à notre programme Regenerate À lire également : notre manifeste pour une économie régénérative