La matrice de double matérialité est un outil stratégique pour mettre en relation et prioriser les impacts environnementaux et sociaux et les risques associés à l’activité et aux performances financières de l’entreprise. Voici nos explications, illustrées par des exemples d’entreprises de petite à moyenne taille, ainsi que des entreprises bien établies.
Qu’est-ce que la double matérialité ?
La double matérialité comprend deux dimensions principales :
- Matérialité externe : comment les activités de l’entreprise impactent l’environnement et la société.
- Matérialité interne : l’impact des enjeux environnementaux et sociaux sur la performance financière de l’entreprise.
Construire une matrice de double matérialité – Étape 1, l’identification des enjeux
Comment s’y prendre :
- organiser des ateliers avec les personnes clés de l’organisation pour identifier les enjeux pertinents
- identifier les parties prenantes et mener des entretiens qualifiés avec les principales d’entre elles (en incluant les dimensions sociales et environnementales)
- établir la liste des enjeux sur la base du référentiel CSDD (Corporate Sustainability Due Diligence) qui peut être enrichi d’enjeux stratégiques et liés aux secteurs de l’entreprise.
Lors de cette étape, on utilise des référentiels externes (CSDD, GRI, …) et les documents stratégiques de l’entreprise.
- Temps nécessaire : environ 5 jours pour préparer, conduire les ateliers et consolider les informations.
- Livrable : un rapport listant les enjeux prioritaires identifiés.
- Bénéfices : meilleure compréhension des attentes des parties prenantes et des enjeux critiques.
L’exemple de Patagonia
L’entreprise, connue pour son engagement environnemental, identifie des enjeux tels que l’utilisation durable des ressources et le bien-être des communautés locales, essentiels pour son image de marque et son attractivité de marché.
Étape 2 : évaluation de l’impact, des risques et des opportunités
Comment s’y prendre : analyser les données existantes et conduire des études d’impact spécifiques aux enjeux identifiés, par exemple par la réalisation d’un Bilan carbone ou d’un diagnostic de biodiversité. Les risques liés aux enjeux environnementaux et sociaux peuvent être évalués dans le cadre de la Gestion des risques d’entreprise (ERM, enterprise risk management) de l’entreprise et validés par le comité de direction.
- Temps nécessaire : 10 à 15 jours selon la complexité et la disponibilité des données.
- Livrable : une analyse détaillée de l’impact de chaque enjeu sur l’entreprise et vice versa.
- Bénéfices : identification précise des risques et opportunités, permettant une gestion plus proactive.
L’exemple de Veja
L’entreprise française de chaussures écologiques évalue comment l’adoption de matériaux biologiques et de pratiques de commerce équitable influence non seulement l’environnement mais également sa position sur le marché des produits éthiques et durables.
Étape 3 : priorisation
Comment s’y prendre : utiliser des outils d’analyse de décision multicritères pour classer les enjeux selon leur importance et leur urgence. Validation des points de données (data points) applicables à votre entreprise, conformément au cadre des ESRS.
- Temps nécessaire : 5 à 7 jours pour l’analyse et la validation.
- Livrable : une matrice de double matérialité indiquant les enjeux prioritaires de l’entreprise.
- Bénéfices : concentration des ressources sur les domaines les plus impactants, pour l’entreprise et ses parties prenantes (ou partie porteuses d’enjeux).
L’exemple du groupe Suez
Suez, spécialisée dans la gestion de l’eau et des déchets, priorise les enjeux ayant un fort impact sur l’environnement tout en affectant directement sa performance économique, comme la gestion de l’eau dans les contextes de stress hydrique
Étape 4 : intégration dans la stratégie
Comment s’y prendre : développer des initiatives stratégiques basées sur les enjeux prioritaires de la matrice. Également, évaluer la maturité de l’organisation pour les enjeux matériels : état des lieux, stratégie, objectifs, plan d’action, plan de mise en œuvre interne.
- Temps nécessaire : Variable, peut nécessiter plusieurs semaines pour l’intégration stratégique.
- Livrable : un plan d’action détaillé pour aborder les enjeux prioritaires.
- Bénéfices : amélioration de la durabilité et de la performance financière, alignement avec les attentes réglementaires et de marché.
L’exemple de Caudalie
La marque française de cosmétiques naturels intègre les résultats de sa matrice en développant des produits qui minimisent l’impact environnemental tout en maximisant l’efficacité, répondant ainsi aux attentes croissantes des consommateurs pour des produits beauté responsables et efficaces.
Les entreprises comme Patagonia, Veja, Suez, et Caudalie démontrent comment la matrice de double matérialité peut être utilisée efficacement par des entreprises de tailles variées pour aligner leurs objectifs commerciaux avec leurs responsabilités environnementales et sociales.
En adoptant cette approche, les entreprises peuvent non seulement répondre aux attentes des parties prenantes mais aussi renforcer leur compétitivité sur le marché.
Et maintenant, lancez-vous !
Imaginez un graphique à deux axes :
- axe des ordonnées (vertical) : ce côté mesure l’importance des enjeux pour vos parties prenantes externes, y compris les clients, les régulateurs, et la communauté. Au-delà de « parties prenantes », on peut parler de « parties porteuses d’enjeux ». Ainsi, les écosystèmes sont inclus comme porteurs d’enjeux (changement climatique, biodiversité, eau, etc.). Cela représente la « matérialité externe ».
- axe des abscisses (horizontal) : cet axe mesure l’impact des enjeux sur la performance financière et opérationnelle de votre entreprise. Cela représente la « matérialité interne ».
Chaque enjeu est représenté par un point dans la matrice. La position du point dépend de son importance perçue pour les parties prenantes (ou porteuses d’enjeux) et de son impact sur la performance de l’entreprise.
Contenu de la matrice
Vous allez inclure des enjeux tels que :
- environnementaux : émissions de carbone, gestion des déchets, utilisation de l’eau…
- sociaux : conditions de travail, santé et sécurité, engagement communautaire…
- gouvernance : transparence de la gestion, structure de rémunération, conformité réglementaire…
Quantité et détail des enjeux
- Quantité d’enjeux : il est conseillé de limiter le nombre d’enjeux à ceux qui sont les plus pertinents pour l’entreprise. Une matrice surchargée peut rendre l’analyse confuse et moins actionnable. Typiquement, une vingtaine d’enjeux sont suffisants pour la plupart des entreprises.
- Niveau de détail : les enjeux doivent être suffisamment détaillés pour être significatifs, mais pas tant qu’ils deviennent trop spécifiques pour être actionnables. Par exemple, au lieu de simplement dire « environnement », vous pourriez spécifier « réduction des émissions de gaz à effet de serre ».
Un exemple concret
Supposons une entreprise dans le secteur de l’industrie papetière.
Voici comment quelques-uns de ses enjeux pourraient être disposés :
- émissions de CO2 : haute importance pour les parties prenantes et impact significatif sur la performance de l’entreprise en raison des risques réglementaires et des coûts de conformité.
- santé et sécurité au travail : très importante pour les employés (parties prenantes internes) et impact modéré sur les performances financières en raison des coûts liés aux accidents et à la productivité.
- conformité réglementaire : critique tant pour les régulateurs que pour l’entreprise elle-même en termes de risques financiers et de réputation.
Ces enjeux seraient placés sur la matrice en fonction de leur score d’impact (importance pour les parties prenantes au sens large, ou parties porteuses d’enjeux) sur l’axe vertical et de leur importance pour l’entreprise (risques et opportunités) sur l’axe horizontal, aidant ainsi les dirigeants à structurer la stratégie d’entreprise en y intégrant une vision ambitieuse de la RSE et les investissements en fonction de leur impact potentiel sur l’entreprise et ses parties prenantes.