Chaînes d’approvisionnement et climat : comment éviter l’effet domino ?

Cas d’usage

Les chaînes d’approvisionnement mondiales sont de plus en plus vulnérables aux aléas climatiques. Inondations, sécheresses, tempêtes : chaque perturbation peut entraîner des ruptures de stock, des retards et des surcoûts. Comment renforcer la résilience et prévenir l’effet domino ?


Les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement face au changement climatique

Les chaînes d’approvisionnement mondiales n’ont jamais été aussi interconnectées — et donc, aussi vulnérables. D’ici 2030, environ 70 % des chaînes d’approvisionnement mondiales seront touchées par les événements climatiques majeurs (inondations, ouragans, sécheresses), selon un rapport du World Resources Institute (WRI)​(Adaptation.pptx). Les secteurs les plus affectés sont ceux dont la production dépend de quelques fournisseurs concentrés dans des zones géographiques précises, comme l’électronique, l’agroalimentaire et l’automobile.

Le cas de Porsche en 2024 est révélateur. Suite à des inondations massives en Suisse, son principal fournisseur d’aluminium, Novelis, a dû arrêter temporairement sa production, impactant non seulement Porsche mais aussi d’autres constructeurs comme Volkswagen et BMW.

Cette situation illustre ce que les experts appellent l’« effet domino » : lorsqu’un seul maillon de la chaîne est touché, c’est l’ensemble de la chaîne qui s’effondre. La perte de quelques jours de production peut entraîner des semaines de retard et des surcoûts exponentiels. Un rapport de la Banque Mondiale estime que les interruptions de la chaîne d’approvisionnement pourraient coûter à l’économie mondiale jusqu’à 500 milliards de dollars par an d’ici 2030​(Adaptation.pptx).

Stratégies pour anticiper et minimiser les risques climatiques

Pour éviter cet effet domino, il est crucial de diversifier et sécuriser les chaînes d’approvisionnement. Voici quelques stratégies concrètes :

  1. Diversification géographique des fournisseurs
    Pour éviter de dépendre d’une seule zone géographique, les entreprises doivent identifier des fournisseurs alternatifs situés dans des régions moins exposées aux risques climatiques. Cela implique de revoir les contrats d’approvisionnement et de développer des relations stratégiques avec plusieurs partenaires.
    • Exemple : Après la crise des semi-conducteurs en 2020, Volkswagen a diversifié ses fournisseurs en Asie, Europe, et Amérique du Nord pour sécuriser son approvisionnement en composants électroniques. Cette stratégie a permis de réduire de 30 % sa dépendance à un seul fournisseur.
  2. Création de stocks stratégiques
    Avoir des stocks tampons dans des lieux sécurisés est une autre solution pour pallier les interruptions temporaires. Ces stocks permettent d’absorber les chocs à court terme tout en laissant le temps de trouver des solutions alternatives.
    • Exemple : L’industrie pharmaceutique utilise cette stratégie en conservant des stocks de médicaments critiques pour faire face aux interruptions de production.
  3. Utilisation de technologies prédictives
    Les outils d’analyse de données et les technologies d’intelligence artificielle (IA) peuvent aider à prédire les risques climatiques et à ajuster la chaîne logistique en temps réel. L’IA permet de simuler différents scénarios d’impact (inondations, tempêtes) et de reconfigurer les itinéraires de livraison pour éviter les zones à risque.
    • Exemple : Maersk, le géant du transport maritime, utilise des technologies prédictives pour ajuster ses itinéraires en fonction des prévisions météorologiques, réduisant ainsi les retards et les risques liés aux tempêtes​(Adaptation.pptx).

Pratiques de résilience : le cas de Danone

Le groupe agroalimentaire Danone a pris les devants en matière de résilience climatique en redéfinissant sa chaîne d’approvisionnement pour réduire sa vulnérabilité. En 2020, Danone a mené un pré-diagnostic complet de ses sites de production et de ses fournisseurs à travers le monde. Voici les actions concrètes mises en place :

  1. Cartographie des risques climatiques
    En utilisant l’outil Clim’ability, Danone a identifié les zones à risque pour ses matières premières stratégiques (lait, blé, fruits). Il a ainsi pu adapter ses contrats avec ses fournisseurs en renforçant les exigences de résilience.
  2. Développement de partenariats locaux
    Dans des régions sujettes aux sécheresses, comme l’Afrique de l’Ouest, Danone a investi dans des partenariats avec des agriculteurs locaux pour sécuriser son approvisionnement en lait. Ces investissements ont permis de réduire de 20 % sa dépendance aux zones à haut risque en moins de cinq ans.
  3. Création d’un fonds de résilience
    Le groupe a mis en place un fonds de 100 millions d’euros dédié à l’adaptation de sa chaîne de valeur. Ce fonds finance des infrastructures de gestion de l’eau, des systèmes d’irrigation, et des projets de reforestation pour protéger les bassins hydrologiques locaux.

L’adaptation des chaînes logistiques mondiales : le soutien des technologies

Pour garantir une chaîne d’approvisionnement résiliente, la technologie peut être un atout, même s’il faut intégrer les enjeux liés à son propre impact environnemental. Les solutions suivantes permettent d’améliorer la flexibilité et la robustesse des opérations :

  1. Jumeaux numériques
    Les jumeaux numériques (digital twins) permettent de créer des répliques virtuelles des chaînes d’approvisionnement et de simuler divers scénarios climatiques. Par exemple, un constructeur automobile peut évaluer l’impact d’une tempête de neige sur ses routes de transport et tester des stratégies alternatives avant même que l’événement ne survienne.
  2. Blockchain pour la traçabilité
    La blockchain permet de tracer chaque étape de la chaîne logistique, garantissant ainsi la transparence et la traçabilité des produits. En cas de rupture d’approvisionnement, les entreprises peuvent rapidement identifier les points de blocage et mobiliser des solutions de contournement.
  3. Capteurs IoT pour la surveillance en temps réel
    Des capteurs placés sur les cargaisons, les véhicules ou les entrepôts permettent de surveiller en temps réel les conditions de stockage et de transport. Cette technologie est particulièrement utile pour les produits sensibles, comme les denrées périssables ou les médicaments.

Conclusion : À retenir

Pour éviter l’effet domino, les entreprises doivent intégrer la résilience climatique dans leur stratégie d’approvisionnement. Les principales actions à entreprendre incluent :

  • Diversifier les sources d’approvisionnement et les zones géographiques.
  • Constituer des stocks stratégiques pour absorber les chocs temporaires.
  • Utiliser des technologies – toujours à bon escient – pour anticiper et ajuster les opérations.

Sources :

  • WRI, Banque Mondiale, Danone, Maersk, Volkswagen, et Clim’ability.

 

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