Diagnostiquer et agir

Cas d’usage

Avant de pouvoir s’adapter efficacement, les entreprises doivent comprendre leurs vulnérabilités face aux aléas climatiques. Un diagnostic climatique est la première étape d’une stratégie de résilience.

Le changement climatique affecte déjà les opérations des entreprises, et cette tendance ne fera que s’amplifier. Inondations, vagues de chaleur, incendies, sécheresses : chaque aléa climatique peut provoquer des ruptures d’approvisionnement, des arrêts de production, ou même mettre en péril la sécurité des employés. Selon l’OCDE, plus de 30 % des entreprises mondiales ont subi au moins une interruption majeure liée aux événements climatiques au cours des cinq dernières années.

Le diagnostic est une analyse préliminaire qui permet aux entreprises de comprendre où se situent leurs faiblesses face aux risques climatiques.

Identification des risques par zone géographique
L’analyse commence par une cartographie des sites critiques (usines, entrepôts, bureaux) et des zones d’approvisionnement. Il s’agit d’évaluer les risques spécifiques (inondations, sécheresses, feux de forêt) selon les projections climatiques locales. Par exemple, une entreprise basée dans le sud de la France devra se préparer à des sécheresses et des vagues de chaleur plus intenses d’ici 2030, tandis qu’une société en Europe du Nord fera face à des risques accrus d’inondations.

Évaluation de l’impact sur la chaîne de valeur
Une fois les risques géographiques identifiés, il s’agit de mesurer leur impact potentiel sur les opérations. Quels processus sont les plus critiques ? Quelles matières premières sont les plus vulnérables ? Par exemple, une entreprise agroalimentaire dépendant d’un approvisionnement en eau stable doit intégrer le risque de sécheresse dans son modèle de prévision de production.

Priorisation des actions
L’analyse de vulnérabilité doit déboucher sur une liste de priorités. Certaines actions seront à mener immédiatement, comme la sécurisation des infrastructures critiques, tandis que d’autres pourront faire partie d’un plan d’adaptation plus long terme, comme le changement de fournisseurs.

Outils et méthodologies naissantes

Des méthodes et outils se développent progressivment, pour aider à diagnostiquer, puis à établir des plans d’action. Ainsi, la méthode Ocara (Organisation, Capacité, Adaptation, Résilience, Agilité), développée par Carbone 4, est une approche en trois étapes qui accompagne les entreprises dans l’évaluation de leur résilience actuelle et l’élaboration de plans d’adaptation.

Ocara inclut :

  • une analyse de la résilience actuelle : évaluer la solidité des infrastructures et des processus face aux risques climatiques.
  • des scénarios d’impact : projeter les impacts potentiels sur les chaînes de valeur.
  • un plan d’action : prioriser les mesures d’adaptation et mettre en place des indicateurs de suivi.

Dans la région du Rhin supérieur, l’action collective Clim’ability a débouché sur la création d’une plateforme d’aide à la décision qui propose un diagnostic initial gratuit pour les PME. Elle aide à visualiser l’exposition de l’entreprise aux risques climatiques selon différents scénarios temporels (2030, 2050, 2070). Cet outil est particulièrement adapté aux entreprises manufacturières et aux PME qui n’ont pas encore entamé de démarches d’adaptation.

Pour les plus grandes entreprises, l’utilisation de portails de données comme le Climate Data Store de Copernicus permet d’accéder à des projections climatiques précises et de concevoir des scénarios d’adaptation pour chaque site de production. Ces portails fournissent des données en temps réel sur les événements climatiques et les prévisions de risques.

Des leviers d’adaptation

Après le diagnostic, vient le plan d’action. Celui-ci permet d’actionner trois types de levier :

  • robustesse de l’entreprise
  • dépendance(s) de celle-ci
  • redondance de ses approvisionnements et moyens de production
    Ainsi, si une entreprise agroalimentaire dépend d’un approvisionnement en légumes provenant d’une région fortement inondable, elle aura intérêt à diversifier ses fournisseurs, ou bien à repenser son offre

Pour activer ces leviers, l’entreprise dispose de ressources sur lesquelles s’appuyer :

  • ses ressources humaines. Elle peut former ses collaborateurs, changer les plages horaires de travail
  • ses ressources organisationnelles. Elle peut se doter d’un comité de gestion des risques
  • ses ressources financières. Elle peut intégrer les besoins de financements liés à l’adaptation dans ses budgets
  • ses ressources techniques. Elle peut travailler à la protection et au bon dimensionnement de l’outil de production
  • ses parties prenantes. Elle peut travailler de concert avec ses fournisseurs

S’adapter, sans se « mal adapter »

Quand on parle adaptation, on pense très vite au volet technique, voire technologique. Un risque de submersion sur un site en plein air, par exemple un camping littoral ? Il « suffira » de construire une digue, voire de poser les mobil-homes sur des tables élévatrices. Malheureusement, si les submersions se multiplient et s’intensifient, ces coûts en apparence anodins initialement, risquent d’exploser.

Les Solutions d’adaptation fondées sur la Nature ouvrent une voie intéressante pour les entreprises. Il est possible de diversifier les cultures pour préserver les récoltes, de créer des haies bocagères pour limiter l’érosion des sols, les inondations et les coulées de boue. Cela offre aussi de l’ombre, de la fraîcheur ainsi qu’un habitat aux pollinisateurs et prédateurs utiles à l’agriculture.

Les initiatives d’entreprises ne manquent pas.

Pocheco s’est dotée d’une toiture végétalisée, récupère l’eau de pluie sur son site et prévoir la transformation d’un bâtiment en restaurant pour valoriser les 3 tonnes de légumes récoltés sur le terrain chaque année, une manière également de faire le lien entre la société civile et l’usine.

L’entreprise Everest isolation, spécialisée en travaux d’isolation des combles, déploie depuis une vingtaine d’années un dispositif pour améliorer les conditions de travail de son équipe sur les chantiers, en période de fortes chaleurs. Les horaires ont été aménagés pour commencer à 6h du matin et éviter des températures de 40-50°C sous les combles. Une prime est versée aux salariés qui commencent plus tôt. Ceux-ci sont équipés d’un gilet rafraichissant, et des melons et pastèques leurs sont fournis dans des glacières pour se rafraîchir. Les salariés sont également équipés de bracelets pour surveiller la chaleur du corps et éviter les coups de chaud. Prochaine étape pour l’entreprise : une réflexion en cours sur l’annualisation du travail avec des semaines de travail plus courtes en période estivale et plus longues le reste de l’année.

Le groupe EDF travaille depuis 2010 sur les enjeux d’adaptation. Parmi les nombreuses actions mise en œuvre, l’entreprise développe des jumeaux numériques : ces outils numériques permettent de « reproduire » des scénarios réalistes. « Il s’agit de modéliser les évolutions d’une part de la ressource en eau et d’autre part des différents besoins pour les usages anthropiques suivant différents scénarios climatiques. L’objectif est de mieux comprendre le fonctionnement du bassin au service du partage de l’eau avec les parties prenantes », explique l’entreprise.

EDF a également engagé en 2024 un programme de plantation de ripisylves (végétation en bord de cours d’eau) en amont du Centre nucléaire de production d’électricité de Golfech (près de Toulouse, dans le Tarn et Garonne). Objectif : contribuer à la régulation de la température du cours d’eau, mais aussi à la création de zones refuges locales pour la biodiversité.

En résumé, un pré-diagnostic climatique est la première étape indispensable pour concevoir une stratégie d’adaptation robuste. Les dirigeants peuvent :

  • Identifier les sites critiques et les chaînes d’approvisionnement vulnérables.
  • Utiliser des outils éprouvés comme Clim’ability et OCARA.
  • Prioriser les actions pour renforcer la résilience à court et long terme, en incluant une palette d’approches (humaines, techniques et technologiques, fondées sur la nature).

L’adaptation commence par la compréhension des risques. Plus l’évaluation est précise, plus la stratégie sera efficace.

 

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