Stupeur à Chamonix. En pleine COP28 sur le climat, la Ville vient de recevoir une facture de 51 milliards d’euros. Encore plus surprenante, l’identité de l’émetteur de la facture : le massif alpin. En clair, c’est la montagne elle-même qui réclame son dû. Une interpellation directe pour amener les acteurs économiques vers la régénération.
Car, la facture est accompagnée d’un courrier : dans cette missive, la montagne « s’exprime » au nom de son « écosystème ».
Elle déplore le manque de considération des humains, et singulièrement du monde économique.
Ces derniers, dit-elle, demeurent accros aux énergies fossiles, comme le démontrent les tergiversations de la COP28.
La montagne rappelle que cette addiction est à l’origine du changement climatique, qui impacte directement sa physionomie.
Elle entend mettre les points sur les « i » en récupérant la valeur des services qu’elle a rendus gratuitement aux humains vivant dans le massif… ces quarante dernières années !
Parmi les services mentionnés : l’approvisionnement en eau et en bois fournis par les glaciers et forêts, le tourisme rendu possible par la beauté des paysages.
La facture a été adressée à la ville de Chamonix, mais la montagne entend bien ici demander son dû à « l’ensemble des communautés humaines » du massif alpin français. »
Stop. La fiction s’arrête là.
Nous n’avons jamais vu un fleuve, une montagne, les pollinisateurs, les sols ou le phytoplancton adresser aux humains quelque facture que ce soit.
Pourtant, les bénéfices que nous retirons du bon fonctionnement des écosystèmes – les services écosystémiques – sont incommensurables.
Ainsi, quelle est la valeur de l’oxygène terrestre, dont une part importante est produite par le phytoplancton : probablement une respiration humaine sur deux ?
Sans le vivant, pas d’économie !
Le cas de Chamonix a été évalué par Bloomberg, qui estime à 850 millions d’euros annuels les retombées économiques directement liées au seul Mont Blanc : accompagnement des guides, nuitées, etc.
Sans monétiser la “nature”, force est de constater que lui donner des valeurs (éthique, bien entendu, mais aussi comptable) permet de clarifier les choses.
Plusieurs économistes, dont Robert Costanza, estiment que l’ensemble des services écosystémiques équivalent à au moins 1,5 fois le PIB mondial annuel.
S’interroger sur les dépendances à la nature de nos activités économiques
Problème : à force de dégrader le vivant, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis.
Les Alpes se réchauffent de 0,5°C par décennie depuis les années 1980.
L’ascension du Mont Blanc aux jours les plus chauds de l’été est devenue impossible.
En altitude, le pergélisol agit comme un ciment pour les roches, mais avec l’augmentation des températures, celui-ci fond, multipliant les risques de décrochements. Certaines voies ne sont plus praticables.
Les Alpes, prisées par les touristes du monde entier, sont fragilisées.
Les acteurs économiques ont tout intérêt à s’interroger sur leurs dépendances et à réinvestir les communs de leur territoire. C’est l’approche que prône la régénération des territoires.
Pour les Codir et équipes : passer de la RSE à l’économie régénérative